l’histoire d’une secte

projet d’écriture

de

Mitchell Hooper

le projet

Je propose d’écrire une pièce qui trace le parcours d’une secte fictive – qui sera un amalgame d’un grand nombre de sectes réelles – depuis ses débuts modestes et peu glorieux dans les années 68-70, à travers le développement de la mégalomanie et de la paranoïa du « gourou » et de la transformation de son entreprise en multinationale puissante et multiforme, jusqu’au temps présent où la machine infernale mise en place par le gourou continue de fonctionner même après sa mort.

C’est un projet qui m’excite doublement en tant qu’auteur, puisqu’il permet d’interpeller le public, de l’informer sur un sujet grave qui le touche de près, de témoigner sur des pratiques souvent scandaleuses, et de m’interroger sur les causes du phénomène, qui elles nous concernent tous. Hormis ces considérations morales, c’est un sujet qui contient tous les ingrédients d’un drame shakespearien: ambitions, jalousies, luttes pour le pouvoir, familles qui se déchirent, personnages extravagants, le bien et le mal et toute la gamme des passions humaines – il y a de quoi faire un Roi Lear… ou un Dallas. Je n’ai ni le génie de Shakespeare, ni le cynisme des auteurs de soap américains: je voudrais simplement faire une oeuvre populaire de qualité, passionnante à suivre, émouvante et qui donne à réfléchir.

Sans ignorer la nature loufoque et souvent risible des croyances de bon nombre de sectes (y compris les plus puissantes), je voudrais brosser un portrait réaliste, détaillé et parfaitement crédible d’une secte modèle.

Pour ce faire j’ai obtenu la coopération et le soutien de l’UNADFI (Union Nationale des Associations pour la Défense des Familles et de l’Individu) et de l’ADFI de Paris (Présidente: Marie-Claire Tavernier; contact: Hayat el Mountacir), qui mettent à ma disposition leurs dossiers sur chaque secte, me guident dans mes recherches, me conseillent sur les pistes à suivre et me mettront éventuellement en contact avec des ex-adeptes ou des proches de victimes de sectes.

Je veux créer une oeuvre de fiction dense, structurée et romanesque, avec de nombreux personnages complexes et humains et une ligne dramatique simple et forte. Je veux provoquer à la fois l’émotion et la réflexion.

informer, comprendre, combattre

Qu’est-ce qui peut bien amener un homme à abandonner sa famille, ses amis, tous ses biens terrestres et son libre arbitre pour se mettre au service d’un escroc mythomane? Ou une femme à quitter son mari, à le voir soudain comme un ennemi, à le détourner de ses enfants, qu’elle endoctrine au lieu de leur donner une éducation? Des enfants à renier leurs parents pour se soumettre à une torture physique et mentale? Des hommes d’affaires à s’endetter au point de se ruiner pour atteindre un bonheur qui reste toujours juste hors de portée? Des médecins à défendre des thèses loufoques sans aucun fondement scientifique?

Il ne faut peut-être pas s’étonner de ce genre de phénomène dans un siècle qui a vu une nation entière abandonner sa liberté pour suivre un homme jusque dans la guerre, l’extermination et l’horreur. Mais on peut encore s’indigner, et on peut chercher à comprendre, et à combattre.

une histoire qui reflète notre Histoire

Je pense qu’en situant cette histoire particulière dans l’Histoire, en traçant le destin de plusieurs personnages sur une durée d’un quart de siècle, je pourrai non seulement démontrer les mécanismes et les rouages – et les leurres – des sectes mais aussi, en ce faisant, proposer une étude de l’évolution des moeurs de notre société dans l’époque post 68. Car ce qui m’intéresse le plus dans le phénomène des sectes n’est pas les effets – aussi spectaculaires qu’ils soient -, mais les causes profondes.

En gros, s’il y a toujours eu des sectes, leur développement récent (en puissance et en nombre) date à peu près des années 60-70, époque où la jeunesse rejetait les traditions de la société occidentale et se mettait à la recherche d’autres valeurs culturelles, politiques et spirituelles. Cette recherche n’a pas vraiment abouti, et les années 80 ont été marquées par un repli sur soi-même et un matérialisme qu’on pourrait qualifier de désespéré. L’effondrement du communisme n’a fait qu’accentuer cette tendance. Par réaction à l’égoïsme et la pauvreté spirituelle de ces temps-là, on a vu le développement de deux phénomènes: l’action humanitaire et l’intégrisme religieux.

Les sectes sont en quelque sorte une version caricaturale de l’intégrisme et répondent sans doute à un même besoin: une réponse simple (voire simpliste) à des questions complexes, et le transfert de toute responsabilité sur un leader qui devient le père pour les enfants que nous voudrions redevenir. C’est en ce dernier point que le phénomène sectaire rejoint également le fascisme – le fonctionnement des sectes rappelle inévitablement celui de l’Allemagne nazie.

LES GRANDES LIGNES DE L’HISTOIRE

Première époque (1975-9)

Nous sommes dans le noir. Nous entendons quelques rires, nous devinons la présence de plusieurs jeunes gens. On entend le bruit de l’ouverture d’un volet et nous voyons un rectangle de lumière blanche au milieu du noir. Autre bruit, autre pan de lumière. Petit à petit les volets s’ouvrent et la lumière entre dans l’immense pièce – ancienne salle de bal – où nous nous trouvons. Une dizaine de jeunes gens sont là, cheveux longs, chemises larges et colorées, pattes d’éléphant – la mode des années 70. La pièce est bientôt baignée dans une lumière chaude d’après-midi d’été et les jeunes découvrent les lieux dans la joie et l’allégresse. Ils vont tous s’y installer pour vivre en communauté dans ce château délabré que l’un d’eux, JEAN, un garçon timide et introverti, vient d’hériter de ses parents disparus brutalement dans un accident de voiture.

Jean garde sa tristesse pour lui, et la plupart des jeunes qui vont dorénavant faire partie de sa famille de substitution ne font pas attention à sa réserve et ses réticences. Il fait beau, ils sont jeunes, naïfs, optimistes, les lieux sont magnifiques. Ils pensent qu’en rejetant les conventions de leurs parents ils vont changer le monde. Etudes, famille, travail, chacun a laissé son passé derrière lui. Tous les espoirs sont permis. Pour l’instant.

Bien entendu, si chacun sait ce qu’il laisse derrière lui, rares sont ceux qui ont une idée précise de ce qu’ils veulent faire maintenant. S’agit-il de former un groupe de révolutionnaires marxistes? Ou au contraire de se retirer du monde pour former une communauté indépendante basée sur des valeurs nouvelles? Il ne semble pas y avoir de consensus. A vrai dire il ne semble même pas y avoir de vrai débat. Ils s’intéressent plus à la libération sexuelle qu’aux idées marxistes ou aux valeurs morales – surtout deux ou trois garçons pas très beaux dont l’adhérence au groupe semble uniquement basée sur l’espoir de trouver une vie sexuelle plus riche. Bref, tout se passe dans la bonne humeur, sur fond de musique rock, et on s’amuse beaucoup… mais cela ressemble plus à un club de vacances qu’à un camp de révolutionnaires.

Ce qui ne manque pas d’agacer THOMAS, le plus sérieux de la bande, même si lui aussi se laisse entraîner par la bonne humeur ambiante. C’est lui qui s’intéresse le plus à la politique et qui voudrait structurer le groupe et y introduire une rigueur intellectuelle. C’est un garçon intelligent, qui a laissé tomber des études de science politique pour venir là, mais il est jeune aussi, un peu impulsif, ses idées ne sont pas toujours aussi claires qu’il ne l’imagine et il est loin d’être venu à bout de ses propres contradictions.

Il forme un couple – envié et très en vue – avec LISE, la plus jolie fille du groupe. C’est une fille intuitive, d’une grande sensibilité, – c’est la seule à comprendre la douleur de Jean et sa difficulté à l’exprimer, elle forme un lien important entre lui et Thomas – mais pas d’une très grande rigueur intellectuelle. Thomas l’encourage à réfléchir pour elle-même mais elle a tendance à se reposer sur les autres, ou simplement sur son intuition sans pouvoir s’expliquer à Thomas. Leur couple va être menacé sous la pression du désir des autres. Ils réagissent de façon radicalement différente et incompréhensible pour l’autre. Thomas essaie de raisonner sa jalousie et agit avec une mauvaise foi que Lise ne parvient pas à déchiffrer, tandis que Lise le provoque en n’attendant qu’un mot de lui pour arrêter – un mot que son orgueil ne lui permet pas de prononcer.

Sur ce petit groupe inoffensif et sympathique vient se greffer un personnage ambigu, plus âgé, BERNARD. Il arrive un matin sans prévenir en jetant des regards curieux sur la propriété et en demandant à parler aux propriétaires. Il n’est pas beau et il ne paie pas de mine. Il porte un vieux costume usé, chemise et cravate, et porte une petite sacoche d’où il sort des échantillons de médicaments qu’il prétend miraculeux et qu’il propose de leur céder à des prix défiant toute concurrence. Les jeunes gens commencent par se moquer du bonhomme mais il est plus rusé et moins ringard qu’ils ne croient et il réussit à retourner la situation en sa faveur. Il voit bien que ses interlocuteurs sont jeunes et en bonne santé, donc laisse tomber l’argumentation médicale pour mettre en avant l’utilisation récréative de ses produits : à l’entendre son produit miracle, mélangé avec un peu d’alcool, agit sur le cerveau de façon à ouvrir de nouveaux horizons pour l’heureux consommateur et de l’amener vers un autre niveau de conscience. SIMON, le plus casse-cou des garçons, et MARIE-CLAIRE, une fille qui est jalouse de Lise et veut attirer l’attention sur elle-même, veulent essayer. Quelques autres se joignent à lui et s’imaginent décerner quelques effets encourageants. Bernard précise que profiter pleinement des bienfaits de son produit il faut en prendre régulièrement.

Bernard va s’insinuer dans la vie de la communauté, d’abord dans l’unique but de se faire un peu d’argent facile. Mais, séduit par le cadre et par l’attention que lui accordent les jeunes gens (notamment les jeunes femmes), il commence à envisager autre chose. Exploitant les conflits internes du groupe, il se propose comme médiateur entre les différentes factions, et bientôt s’impose comme une sorte de sage. Ayant identifié Jean comme le propriétaire et sans doute flairant en lui une proie facile, Bernard se montre particulièrement prévenant à son égard et ne tarde pas à devenir son confident et conseiller.

Il n’arrive pourtant pas à séduire tout le monde. Thomas le trouve ignorant, pervers et manipulateur – ce qui n’est pas faux, mais Bernard a le don de tout tourner à son avantage. Il se sert de l’animosité que montre Thomas à son égard pour déjouer ses arguments et convaincre les autres que c’est Thomas qui a tous les torts. Il se sert des séances d’autocritique instaurées par Thomas pour grignoter son pouvoir. Petit à petit il détruit la bonne opinion que les autres avaient de Thomas pour leur faire croire qu’il est mégalomane, qu’il veut à tout prix être le chef du groupe et qu’il déteste Bernard simplement parce qu’il voit en l’homme plus âgé une menace. Bref, Bernard réussit à manipuler tout le monde, y compris Jean et Lise, en exploitant leur faiblesse et en leur faisant croire que c’est Thomas qui essaie de les manipuler.

Beau parleur avec des tendances mythomanes, Bernard se perd parfois dans les méandres de ses propres inventions. Il se contredit allègrement mais ne se démonte jamais. Quand Thomas le reprend sur un point de logique il dévie la conversation et noie le poisson, ou alors l’attaque sur un plan émotionnel. Naturellement tout ceci exaspère Thomas, qui est d’autant plus furieux de voir ses camarades tomber dans le panneau. Il décide de partir se renseigner sur ce personnage douteux.

Thomas mène l’enquête. Les quelques renseignements donnés par Bernard sont autant de fausses pistes, mais il découvre vite quelques éléments passés sous silence, notamment une femme et deux enfants abandonnés il y a cinq ans à qui il ne donne plus signe de vie.

Thomas revient au château avec la preuve irréfutable que Bernard a menti sur son passé et qu’il n’est qu’un charlatan de bas étage, un petit arnaqueur. Il a fait analyser son produit miracle et a découvert que cela ne contient que de l’eau avec un peu de lessive. Fier de son enquête et content de pouvoir enfin démontrer qu’il a raison, Thomas est stupéfait de trouver que personne ne veut le croire. Jean le traite de menteur. Même Lise lui tourne le dos quand il essaie de la convaincre.

Bernard s’est approprié la direction de la communauté en pervertissant les structures créées par Thomas. Il est en train de changer le groupe en une secte qui tourne autour de sa propre personne. Il vise de jeunes bourgeois en quête spirituelle, surtout s’ils sont en proie à des difficultés psychologiques ou tout simplement au mal de vivre. Il leur propose des stages de « développement personnel ». Les stages ont lieu au château et se paient très cher. Bernard exploite les faiblesses de chacun afin de leur montrer qu’ils ont besoin de son aide. Il les convainc qu’ils ont besoin d’un stage plus poussé – et plus cher – et les fait revenir, créant ainsi de plus en plus de nouveaux adeptes. Seuls les privilégiés restent au château près de Bernard. Les autres retournent dans le monde faire du prosélytisme pour le compte du gourou.

Thomas est le seul qui voit clairement ce qui se passe et qui reste insensible au charisme de Bernard. Il essaie d’alerter les autres, de les réveiller, mais Bernard les retourne contre lui. Il essaie de discuter avec Lise mais la trouve changée : elle se méfie de lui et ne veut pas entendre ce qu’il a à dire. Il est sidéré d’apprendre qu’elle ne veut plus coucher avec lui – désormais elle partage le lit de Bernard.

Furieux et jaloux de surcroît, Thomas veut se battre avec Bernard. Bernard garde soigneusement sa distance et demande aux autres de bien regarder Thomas qui vient de montrer son vrai visage : un parano violent qui veut tout pour lui, refuse de partager et ne respecte pas les vœux des autres. Thomas enrage mais ne peut rien contre le pouvoir qu’exerce Bernard sur ses amis. Il est obligé de partir.

Il garde néanmoins le contact et essaie de raisonner ses amis et plus particulièrement Lise, qui est maintenant enceinte de Bernard.

S’il réussit à semer le doute, c’est surtout Bernard lui-même qui fournit le déclic qui permet à Lise de se détacher. Après la naissance de l’enfant, Lise se trouve en désaccord avec la doctrine du gourou sur les principes d’éducation (il veut séparer les enfants de leurs parents afin de mieux les endoctriner). Lise veut garder son enfant près d’elle et l’élever avec amour et une bonne dose de bon sens. Bernard ne supporte pas qu’on mette en question son autorité. Lise sort de la secte.

Marie-Claire est la principale bénéficiaire du départ de Lise – du moins c’est ce qu’elle croit – et elle est bientôt à son tour enceinte de Bernard. Mais contrairement à Lise, elle reste fidèle et obéissante et élève son enfant selon les préceptes – et les caprices – de Bernard.

Lise épouse Thomas, qui élèvera l’enfant comme le sien. Oubliant quelque peu ses idées révolutionnaires, Thomas redevient un citoyen normal et commence à travailler comme journaliste.

Thomas et Lise gardent le contact avec Jean et essaient de le convaincre de sortir de la secte. En vain. Jean est bientôt complètement dépossédé. Une fois qu’on n’a plus besoin de lui, sa côte dans la secte commence à baisser. Il est mal vu et mal traité par les autres. Mais après avoir tout donné au gourou, comment admettre qu’on s’est trompé? Jean hésite: décide de partir puis revient se jeter aux pieds de Bernard, convaincu qu’il a été manipulé par Thomas.

Thomas, de plus en plus pris par sa carrière, s’éloigne et finit par accepter un poste à l’étranger.

A l’intérieur de la secte les choses changent: Jean et d’autres sont écartés du pouvoir. Bernard et ses lieutenants établissent un régime draconien: nourriture insuffisante, sommeil insuffisant, travail ou endoctrinement incessant, les adeptes n’ont plus un instant à eux. Les enfants, de plus en plus nombreux, n’ont pas le droit d’aller à l’école. Leur éducation est assurée par des membres de la secte. Un inspecteur de l’Education Nationale vient voir les cours, qui sont déguisés en cours classiques le temps d’une journée, avant de revenir à l’endoctrinement et aux théories de plus en plus farfelues de Bernard.

Une structure pyramidale s’installe, avec Bernard au sommet. Il lance une politique d’expansion. On cible des gens dépressifs ou mal adaptés, on les écoute avec beaucoup de bonne volonté et d’amabilité dans un premier temps. On les remonte contre leur entourage pour mieux les isoler. On leur fait faire des stages payants, où on leur démontre qu’ils ont des problèmes et qu’ils auraient besoin d’un autre stage, plus poussé, plus cher.

Pour des raisons fiscales, Bernard choisit l’appellation d’église et adopte une terminologie à connotations religieuses. Le langage de la secte est légèrement décalé: les gens de l’extérieur ont de plus en plus de mal à comprendre. Les nouveaux adeptes ont l’impression de ne pas être compris par leur famille et leurs amis, seulement par les gens de la secte qui utilisent les mots de la même façon.

Jean est de plus en plus inquiet devant la tournure que prennent les événements. Il voit le mal que la secte est en train de faire, mais veut encore croire que Bernard a raison et que c’est lui qui a tort.

Un jour en entendant Bernard parler d’un itinéraire pour se rendre à un nouveau bureau que la secte vient d’ouvrir à Paris, il s’aperçoit que Bernard fait un lapsus et se trompe de nom de rue. Sans réfléchir il le corrige. Mais Bernard ne veut pas admettre son erreur, s’enrage et ne démord pas de sa version. Cette fois Jean sait pertinemment que Bernard a tort. C’est le déclic: les illusions de Jean sur l’infaillibilité de Bernard s’effondrent.

Jean décide enfin de sortir de la secte, mais ne trouvant personne pour l’accueillir, personne pour l’écouter, il finit par se suicider. Thomas et Lise reviennent pour l’enterrement.

Deuxième époque (1995-2000)

Des années plus tard, dans une autre ville. Une jeune fille, SOPHIE, se dispute avec sa mère, HELENE. Cela n’a rien d’extraordinaire. Hélène est divorcée et s’inquiète pour sa fille en pleine crise d’adolescence : comme beaucoup d’autres avant elle (et notamment les personnages que nous avons vus au début de cette histoire), Sophie trouve le monde injuste et veut se rebeller contre l’ordre établi. Hélène a fait à manger mais Sophie n’a pas faim et plutôt que de venir à table continue à remplir un questionnaire. Hélène présume qu’il s’agit d’un test quelconque pris dans un magazine. Irritée, elle insiste pour que sa fille vienne manger avec elle. Sophie se lève et sort, laissant sa mère plantée là.

Sophie marche le long d’une rue en ville et entre dans un bâtiment banal avec une boutique au rez-de-chaussée aménagée en bureau d’accueil pour une association apparemment d’inspiration écologiste. Elle donne son questionnaire au jeune homme à l’accueil, qui s’absente quelques moments puis revient et l’invite à monter à l’étage pour rencontre un « conseiller ».

Sophie est interrogée par une jeune femme d’une trentaine d’années qui se réfère au questionnaire et, tout en gardant une apparence très amicale, lui pose des questions de plus en plus indiscrètes et note toutes ses réponses dans un carnet. Elle veut connaître les circonstances familliales de Sophie et ne tarde pas à en savoir long sur le divorce de ses parents et les rapports tendus avec sa mère. A la fin de l’entretien la jeune femme demande à Sophie si elle a pleinement conscience de la nature de ses problèmes et si elle pense qu’elle pourra s’en sortir toute seule.

Sophie annonce à sa mère qu’elle voudra faire un stage de développement personnel. Hélène pose des questions sur l’association qui organise ce stage, mais Sophie semble avoir toutes les réponses. Rassurée quant au sérieux de l’association, Hélène accepte de le lui payer.

Mais quand Sophie rentre chez elle après le stage, Hélène commence à s’inquiéter encore plus: elle n’arrive plus à communiquer avec sa fille qui lui sort des arguments bizarres, s’exprime dans un jargon dont le sens lui échappe, s’énerve lorsque sa mère se méprend sur l’interprétation des mots qu’elle emploie. Bien que rien dans l’organisation qu’elle a rejointe (ni sigle, ni logo – tout paraît tout à fait innocent et bien intentionné) ne l’indique, certains de ces mots, ainsi que certaines tournures de phrase, nous rappelle le jargon développé par Bernard dans la première partie. Sophie n’a plus qu’une idée en tête, quitter sa mère qui ne la comprend pas pour rejoindre ses nouveaux amis dans l’association.

Les « amis » de Sophie sont bien sûr des membres de la secte, et l’association n’est qu’une des nombreuses antennes de l’organisation de Bernard, qui a pris une ampleur effrayante. Mais Hélène naturellement ignore tout ce que nous avons appris et découvre avec effroi la nature réelle de l’organisation que sa fille a rejointe. Elle commence par se renseigner en consultant les archives des quotidiens et hebdomadaires. Elle trouve ainsi plusieurs articles signés par le même journaliste – qui n’est autre que Thomas, devenu grand journaliste, qui s’intéresse de près – et n’a de cesse de dénoncer – la secte qu’il a lui-même connue vingt ans plus tôt.

Nous allons suivre la lutte d’Hélène pour sauver sa fille, ainsi que les progrès de Sophie dans la hiérarchie de la secte, ce qui nous permettra de constater l’efficacité de la machine infernale et de voir les méthodes, la structure, et le pouvoir que la secte s’est appropriés.

Sophie monte rapidement, non pas qu’elle soit particulièrement brillante mais elle a attiré l’attention de Bernard, qui aime s’entourer de très jeunes filles. Ainsi un petit groupe d’adolescentes se trouve doté d’un pouvoir considérable au sein de la secte, déterminant selon leurs propres critères qui peut s’approcher du gourou. Elles abusent largement de ce pouvoir. Sophie va réussir non seulement à intégrer ce petit groupe privilégié mais à exploiter les conflits et les jalousies déjà existants pour augmenter son pouvoir personnel.

Cependant tout ne va pas bien pour Bernard. L’enfant qu’il a eu avec Marie-Claire, élevé dans la secte, a manifesté des signes de désordres psychologiques graves à l’adolescence et finit par se suicider. Bernard en est affecté mais juge que ce sont les contacts que l’enfant a pu avoir avec le monde extérieur qui sont la cause de cette tragédie. Marie-Claire est profondément affectée, mais refuse toujours de mettre en cause sa confiance dans le jugement de Bernard.

Sophie est bientôt invitée au château de Bernard. Nous reconnaissons à peine le château délabré du premier épisode qui a été restauré et auquel on a ajouté plusieurs bâtiments à l’architecture bizarre et aux couleurs criardes. Surtout la propriété est maintenant entouré de barbelés électrifiés surplombés de caméras de surveillance. Sophie gagne rapidement la confiance de Bernard et monte dans la hiérarchie, flattée par les attentions du gourou et ivre du pouvoir qu’il lui confie.

Le jour de son dix-huitième anniversaire, Sophie annonce à sa mère qu’elle ne veut plus avoir aucun contact avec elle et qu’elle s’installe définitivement au château. Hélène essaie de discuter avec elle mais il n’y a plus d’entente possible entre mère et fille.

A partir de là, Hélène passe tout son temps libre à se renseigner sur la secte, sacrifiant complètement sa vie privée. Thomas va la mettre en contact avec d’autres parents dans des cas similaires. Elle formera une association 1901 et travaillera à rassembler des informations sur les dérives sectaires et à identifier les diverses sectes à travers le monde, ainsi qu’à aider des anciens adeptes à s’en sortir.

Thomas lui-même revient maintenant au coeur de l’histoire. Lui aussi est de plus en plus obsédé par son combat contre la secte. Il est devenu un journaliste de renom. Après avoir été correspondant à l’étranger dans plusieurs pays importants, il s’est de nouveau installé en France avec Lise et Mathieu, l’enfant de Bernard qu’il a lui-même élevé avec Lise. Il peut plus ou moins choisir les sujets qu’il veut couvrir. Mais de plus en plus souvent il choisit d’enquêter sur les sectes, et particulièrement celle de Bernard. Lise, de son côté, préfère oublier et est à la fois agacée et troublée par l’obstination avec laquelle Thomas remue le couteau dans la plaie. C’est une source de tension et de conflit dans leur couple.

Mathieu, le fils de Lise et Bernard, élevé par Thomas, est devenu grand et poursuit des études dans une grande école. Sans s’en rendre compte, il devient l’objet des attentions de la secte, qui essaie de l’endoctriner. Le garçon, curieux mais pas particulièrement attiré par ces gens, en parle à son père adoptif, qui reconnaît les méthodes de la secte et le met tout de suite en garde. Il ne réussit qu’à intriguer Mathieu, qui en tant que grand garçon intelligent et équilibré, ne craint pas du tout le lavage de cerveau dont parle Thomas, mais ne peut qu’être interpelé par la véhémence de sa réaction. Il comprend que cette secte a une importance qu’il ne soupçonnait pas dans la vie de ses parents. Thomas et Lise ne lui ont jamais caché qu’il n’est pas le fils biologique de Thomas, mais ils ne lui ont pas tout dit sur l’identité de son vrai père. Mathieu les interroge sur l’épisode de leur vie que nous avons vu dans le premier épisode. Lise ne veut pas en parler, mais Thomas finit par lui dire la vérité. Mathieu leur assure que pour lui son père est celui qui l’a élevé et qu’il est plutôt amusé d’apprendre qu’il est le fils d’un gourou.

Son attitude détachée rassure Thomas et Lise, mais il ne leur dit pas tout. Curieux de connaître son vrai père, convaincu qu’il est suffisamment rationnel pour ne pas être dupe de sa doctrine, il va contacter Hélène à son association pour prendre de plus amples renseignements sur lui. Hélène, qui ignore tout de son identité, lui demande pourquoi il fait ses recherches. Il lui dit qu’il avait une petite amie qui est entrée dans la secte. Hélène lui parle un peu de sa propre fille, Sophie.

Mathieu décide de faire semblant de devenir adepte afin d’infiltrer la secte et de s’approcher de son père. Il se sert de ce qu’il sait sur Sophie en prétendant la connaître. Il se trouve bientôt en position difficile quand il se présente devant la jeune fille sans la reconnaître. Il se sert de son charme et de son intelligence pour la déstabiliser. Sophie, dont la seule référence en la matière est le gourou vieillissant et autoritaire, est effectivement troublée par le jeune homme et lui permet de rester. Quand Bernard lui demande à qui elle vient de parler, elle lui ment. Mais elle ne permet pas pour autant à Mathieu de s’approcher de Bernard. Prenant son mal en patience, Mathieu fréquente assidûment la jeune fille et en ce faisant entend quelques bribes de conversations incompréhensibles pour lui concernant des transferts de fonds. Mais il n’arrive pas à rencontrer Bernard qui semble se montrer de moins en moins et vit comme un reclus. Mathieu rentre chez lui, déçu.

Sophie est devenue en quelque sorte la chienne de garde de Bernard, qui lui aussi a changé. Corrompu par son propre pouvoir, il est devenu impatient et irascible, et surtout complètement paranoïaque.

Paranoïaque mais rusé – Bernard a réussi à infiltrer l’administration française et est en train de faire disparaître toutes les preuves de ses activités les moins avouables.

C’est Hélène qui s’en aperçoit la première. Ne pouvant pas faire de procès contre la secte pour ce qui concerne Sophie, elle enquête sur ses activités financières pour voir s’il n’y a pas moyen de la coincer sur le plan fiscal. Elle est sur une excellente piste, mais s’aperçoit que des documents compromettants sont en train de disparaître. Thomas, très intéressé lui aussi par cette piste, aide Hélène avec son enquête, au grand dam de Lise, qui se demande si son mari n’a pas une liaison avec elle. Elle n’a pas tout à fait tort, car même s’il ne se passe rien entre eux, Thomas et Hélène se rapprochent l’un de l’autre par la force des circonstances et, sans que rien ne soit dit, tous les deux ressentent un peu plus que de l’estime mutuelle.

Thomas est furieux avec Mathieu lorsqu’il apprend ce qu’il a fait. Mais il est aussi très curieux de ce qu’il a pu voir et apprendre. Les bribes de conversation qu’il a entendues se révèlent de précieux indices pour l’enquête menée par Thomas et Hélène.

Suite à ces découvertes, Hélène alerte la police qui mène une enquête et prend quelques adeptes la main dans le sac. On remonte jusqu’à Marie-Claire. Elle est arrêtée mais, toujours fidèle, refuse de dénoncer Bernard. Bernard de son côté déclare qu’elle a agi de sa propre initiative et qu’il n’y est pour rien. Il coupe tout contact avec elle. Bernard se trouve de plus en plus seul, victime de ses propres actions et de leurs conséquences catastrophiques sur son entourage.

De plus, Bernard a un secret : il est malade. Oubliant les principes de la secte selon lesquels la médecine traditionnelle n’est qu’une tromperie, il consulte un vrai médecin qui l’informe qu’il est condamné. Il en voit d’autres, cherchant désespérément à entendre autre chose que la vérité. Seule Sophie est autorisé à l’accompagner. Elle voit un homme qui cherche désespérément à échapper à son propre destin, mais qui finalement est bien obligé de l’accepter.

Il rentre dans la secte. Il a peur. Il se sent seul. Il décide d’entraîner les autres membres de la secte avec lui dans la mort. Il leur parle d’apocalypse imminente et commence à préparer avec l’aide des plus fidèles la mise en scène de sa (et de leur) propre mort. Mais leur fidélité n’est pas sans faille et certains sont moins séduits par ce projet que d’autres. Plusieurs adeptes quittent le château. Ca sent la fin de règne.

Hélène entend parler de ces préparations par un adepte qui a quitté la secte et est venu lui demander de l’aide. Elle en parle à Thomas. En rentrant chez lui, il apprend par Lise que Mathieu est reparti au château.

Les fidèles sont en train d’installer un système d’allumage électronique, lié à des dizaines de tonneaux remplis d’essence, Bernard se lamente en voyant que de plus en plus d’adeptes trouvent des prétextes pour le quitter. Mais tandis que les rats quittent le navire, Mathieu, lui, fait le chemin inverse, revient au château et cette fois arrive à déjouer la vigilance de Sophie et à rencontrer son vrai père.

Bernard est étrangement ému en découvrant ce fils qu’il n’a pas connu. Il essaie de le persuader du bien-fondé de sa doctrine. Il aimerait voir en lui son héritier spirituel. Mais Mathieu reste rationnel et sceptique. Néanmoins et presque malgré lui, Bernard voudrait que Mathieu survive à l’apocalypse qu’il est en train d’organiser.

Apprenant que Thomas est venu pour essayer de sauver Mathieu, Bernard s’arrange pour faire partir Mathieu – à l’insu de Thomas, qu’il laisse enfin s’approcher de lui. Bernard s’enferme dans la grande salle de bal – là où le film a commencé – et ferme un à un les volets. Puis il donne un signal et déclenche l’incendie partout dans le château. Thomas cherche désespérément Mathieu. A la fin d’une séquence de suspense classique, Thomas et Bernard se trouveront face à face au milieu du château en flammes – et nous retrouvons les images du générique du début.

Thomas et Mathieu sortiront de l’incendie vivant. Bernard mourra. Sophie aussi. Thomas se rendra à l’enterrement de la jeune fille et discute avec Hélène, bouleversée mais digne, qui a décidé de se dévouer entièrement à la lutte qu’elle a engagée avec son association contre les sectes. Thomas promet de l’aider au mieux qu’il peut.

Mais la mort de Bernard n’entraîne pas la disparition de la secte pour autant. Marie-Claire et d’autres ont l’intention de poursuivre son œuvre. La machine infernale qu’il a créée continue à tourner.

FIN