Un homme se réveille dans une chambre d’hôpital. Une femme lui pose des questions. Deux petites filles ont disparu. Un voyage au cœur des ténèbres sous forme de thriller psychologique.

 

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Captation au Cinéma Mac Mahon juin 2005:

 

Extrait d’un article de Martine Piazzon dans Froggy’s Delight à propos d’une représentation de la pièce retransmise en direct sur la chaîne de télévision Direct 8

Un homme endormi dans un lit d’hôpital, une femme assise faisant un puzzle. Un malade et une visiteuse. Un homme et son épouse. Non. Un pédophile assassin et une psychiatre.

L’homme est la proie d’une mosaïque d’états différents qui, à défaut de n’avoir pu être dépassés, perdurent sans avoir pu l’amener à se structurer : une enfance violée, un fils sans relation affective avec ses parents, un gamin solitaire et rejeté qui tord le cou des oiseaux, un mariage raté, qui l’amènent à la négation absolue, dans le rejet de tout, l’homme, Dieu, la loi, la justice, l’amour et de lui-même.

Elle, elle va aller le chercher au plus loin de son être, de son âme innocente d’enfant pour lui faire prendre conscience des perversions successives, pour reconstituer le puzzle qui lui permettra de commencer une éventuelle reconstruction.

L’écriture de Mitch Hooper est simple et puissante, sobre et pudique, presque épurée pour tenter d’approcher et de comprendre l’indicible. Pas de superflu, pas de spectaculaire, pas de manichéisme, rien que la vie et un humanisme irréductible.

Sous sa houlette, les deux comédiens forcent l’admiration et nous montrent l’homme, l’autre, mais aussi nous-mêmes avec la part d’amour et de monstruosité qui existe en chaque individu…

Bouleversant.

 

 

 

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En 2017 le Théâtre du Nord-Ouest fête ses 20 ans. Tout va mal, le théâtre est sans cesse menacé de fermeture, mais il est toujours là. Pour fêter ça on m’a demandé de revenir faire une mise en scène. Je n’avais plus monté de pièce là-bas depuis « La Main Passe » en 2004. Ce théâtre est mal vu par « la profession ». Mais j’ai dit oui.

Monter une pièce sans producteur, sans aide, sans argent, sans publicité, sans souci de rentabilité, sans blabla, juste pour le plaisir – je me suis dit que cela me ferait des vacances. Alors avec mon implacable logique commerciale, en une période de festivités et de divertissements légers, je n’ai rien trouvé de mieux que de remonter une pièce vieille de presque vingt ans, un huis clos dans une chambre d’hôpital entre une psy et un tueur d’enfants…

A l’origine

Il y a presque vingt ans Jean-Luc Jeener m’a invité à écrire une pièce pour un cycle thématique au Nord-Ouest. J’étais flatté. J’ai demandé le thème de cette saison-là: la pédophilie. Cela m’a un peu refroidi. Je n’avais rien à dire sur ce sujet-là. Mais j’ai lu quelques livres et une pièce a fini par s’imposer à moi. Je l’ai écrite en trois mois et montée dans la foulée. Tout s’est fait très facilement. Cela a donné une sorte de thriller psychologique qui, bizarrement, est la seule de mes pièces à être reprise régulièrement.

Sur le titre

« l’amour existe »… Pour des raisons qui m’échappent, je tiens à ce que ce titre soit écrit en minuscules. Les majuscules sont trop sûrs d’eux. Le titre m’est venu un peu avant que je finisse d’écrire le texte, alors que je commençais à en comprendre le sens de ce que j’écrivais. Ces mots ne sont pas prononcés dans la pièce. Le personnage masculin affirme le contraire. Mais, sans le crier sur les toits, après réflexion, après tout et malgré tout, je voulais juste affirmer quand même que l’amour existe…

Note d’intention

Curieuse expérience que de remonter cette pièce dix-huit ans après sa création. Qu’est-ce qui a changé? Pas la pièce, ni mon rapport à elle. Le changement d’acteurs apporte une tonalité légèrement différente pour chacun des deux personnages, mais leur rapport, le déroulement de l’action, l’occupation de l’espace scénique, la montée de la tension dramatique, tout – jusqu’à la réaction du public – se passe à peu de choses près comme il y a dix-huit ans. Ce qui a changé c’est le monde autour de nous.

Ce qui me frappe c’est que la pièce résonne différemment aujourd’hui. Aujourd’hui certaines répliques qui à l’époque me semblaient représenter le point de vue tordu d’un être rejeté par la société me semblent universellement acceptées et presque banales. “On peut faire ce qu’on veut. Il n’y a pas de loi. Il n’y a pas de justice. Il n’y a pas de salut. Il y a juste des rapports de force.” Là où avant j’entendais un désespéré marginal, aujourd’hui il me semble que ces phrases pourraient être prononcées par n’importe quel de nos dirigeants. Là où j’entendais une vision sombre, déformée par la souffrance d’un individu, aujourd’hui j’entends une description plutôt pertinente de l’ordre régnant dans le monde où nous vivons.

Le personnage féminin, qui aujourd’hui comme hier paraît plutôt antipathique au début avec ses questions incessantes (de quoi elle se mêle?), finissait il y a dix-huit ans par apparaître admirable par son dévouement, son honnêteté et son désir de vérité, une digne représentante d’une société civilisée, responsable et bienveillante. Aujourd’hui, dans un monde où tout est dissocié, déconnecté, hermétiquement cloisonné, où des gens qui aident leurs semblables sont poursuivis aux tribunaux, elle paraît, pour citer une spectatrice découvrant la pièce lors d’une des nouvelles représentations, “christique” dans le don d’elle-même. Il y a eu un subtil rééquilibrage dans les rôles: aujourd’hui ce n’est pas le nihilisme de l’homme qui paraît exceptionnel, c’est la générosité de la femme. Et elle semble plus fragile, plus isolée, plus marginale qu’auparavant. Ce n’est pas une citoyenne modèle, c’est une résistante.

Il y a dix-huit ans je terminais ma note d’intention ainsi: “Car il me semble que nous sommes tous amplement conscients du désespoir et du vide. La laideur du monde est partout apparente. Il ne suffit plus d’en témoigner, il faut y résister.”

Remonter cette pièce maintenant m’a fait réaliser à quel point nous avons perdu du terrain entre temps. Nous avons subi une occupation insidieuse. Nous nous sommes mis à collaborer sans nous en rendre compte. Les maquisards sont nombreux, mais isolés. Nous avons du mal à nous réunir. La résistance est d’autant plus difficile que l’ennemi n’a pas de visage. Il n’y a pas de leader charismatique à viser. Les dirigeants sont tous remplaçables. Nous nous trouvons en face d’une machine qui broie les âmes et qui avance inexorablement en se renouvelant sans cesse, un serpent à mille têtes, une peste qui s’injecte dans nos veines et contamine tout ce que nous faisons.

Mais, comme disait un grand Résistant aujourd’hui disparu, le Field Commander Cohen:

The wind, the wind is blowing.

Through the graves, the wind is blowing.

Freedom soon will come.

Then we’ll come from the shadows.”

(“Le vent, le vent souffle. A travers les tombes le vent souffle. La liberté viendra. Nous sortirons de l’ombre.”)

Cela peut paraître dérisoire de proposer le théâtre comme arme de résistance. Surtout que le théâtre lui-même est contaminé comme nous tous: “Les gens ont envie de rigoler. Ils veulent échapper à leur quotidien. Il faut les divertir.”

Je suis désolé, mais non. Il est temps de regarder le monde en face.

C’est dérisoire, c’est minime, c’est une goutte d’eau dans l’océan mais le théâtre est un élément essentiel de la démocratie. Le théâtre peut ouvrir nos yeux, humaniser le monde, nous faire faire des connexions, nous rassembler en célébrant notre humanité commune.

Et petit à petit, pas à pas, en ouvrant un tout petit peu les esprits, le théâtre peut changer le monde.