Premier jour d’une semaine de résidence à Villeparisis pour notre Bon Petit Soldat avec Théo Askolovitch et Samuel Yagoubi. Malgré le sérieux du sujet, on s’amuse bien. Les premières représentations seront bientôt fixées. A partir de décembre 2018.

 

Lecture d’Un Bon Petit Soldat de Mitch Hooper le 8 et le 15 janvier à 15h à la Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018 Paris et à 15h le 19 février aux Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, 75001 Paris.

 

Karim nous invite à descendre dans le métro avec lui. Nous l’accompagnons dans son voyage et il partage ses pensées avec nous. Il porte une ceinture explosive…
explo

 

 

 

 

« Attendez, M 2, non… M 4 voilà, c’est ça qu’on veut. Allez, on y va. En route, mauvaise troupe, comme dirait monsieur Montigny au foyer. Ce connard. S’il pouvait me voir maintenant…Vous voulez que je vous aide, madame ? Ca a l’air lourd, ça… Non ? Bon. Elle a peur. Elle me prend pour un voleur. Tant pis. J’suis pas un voleur. J’suis peut-être un assassin mais j’suis pas un voleur. »

 

Note d’intention

« Un Bon Petit Soldat » est né d’un projet plus grand, un ensemble de plusieurs pièces sur des attentats dans des capitales européennes. Ce projet a d’abord été conçu le lendemain de l’attentat dans le métro de Londres en juillet 2005. A l’époque je voulais parler d’un attentat dans le métro parisien, un peu pour dire « ça pourrait arriver ici ». La pièce est devenue de plus en plus ambitieuse et de plus en plus irréalisable. En 2015 j’ai été rattrapé par la réalité – c’est arrivé ici. J’ai pourtant continué à y penser et à suivre de nouvelles pistes. Finalement, sans renoncer complètement au projet d’ensemble, j’ai décidé de prendre un élément de ces multiples histoires et d’en faire une pièce simple, que je pourrais monter moi-même assez vite.

Un des éléments principaux de ce projet sans cesse reporté était l’histoire de deux frères, deux jeunes arabes avec des difficultés pour s’intégrer dans la société française. L’aîné se radicalise en prison et entraîne son jeune frère, qui lui est un peu plus intégré et un peu moins convaincu par le jihadisme, dans un projet d’attentat. L’aîné se fait exploser, mais le cadet rencontre une fille la veille et finalement bascule du côté de la vie. J’avais tout cela en tête bien avant que les frères Kouachi et Abdeslam ne viennent apporter leur grain de sel.

J’ai choisi de raconter l’histoire du petit frère, pas du grand, sans doute parce que je me sens plus proche d’un personnage en proie au doute, et que sur le plan dramatique je trouve cela plus intéressant. Karim descend dans le métro parisien un 24 décembre avec l’intention de se faire exploser en même temps que son frère et quelques autres dans d’autres capitales européennes. Il nous confie ses pensées, tout ce qui lui passe par la tête, sautant parfois du coq à l’âne et révélant malgré lui à la fois son inconscience et ses motivations profondes.

J’ai choisi une forme qui m’est familière depuis mes « Chroniques d’une Année de Crise », le monologue confidentiel, où un personnage confie tout ce qui lui passe par la tête au public, se révélant ainsi beaucoup plus qu’il n’en a lui-même conscience. Cela me permet de raconter une histoire avec humour et concision en utilisant le non-dit et les ellipses. Ce qui émerge, c’est le portrait d’un garçon sensible, attachant, sans cesse sur le fil entre l’intégration et le rejet de la société qu’on lui propose et qui ne l’accepte jamais complètement.

En filigrane apparaît le thème de l’empathie. Alors que son frère s’enferme dans une logique de mort, Karim reste ouvert à la vie et se révèle incapable de tuer parce qu’il se met à la place des autres.

J’aimerais que ma pièce aide les gens à se mettre à la place de garçons comme mon personnage. C’est le propre du théâtre : on vit l’histoire à la fois de l’intérieur, en s’intéressant aux personnages, et de l’extérieur, en les regardant et en les jugeant.

Et j’aimerais que le théâtre reprenne sa place au centre de la démocratie.