Le Poids du Mensonge a été jouée à la Manufacture des Abbesses d’août jusuq’en octobre 2023, avec Anne Coutureau, Sophie Vonlanthen, Julien Muller et Anatole de Bodinat, scénographie Delphine Brouard, lumière Patrice Lecadre, son Jean-Noël Yven, costumes Philippe Varache.
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Le point de départ est bien connu.
En janvier 1993 Jean-Claude Romand a assassiné femme, enfants et parents après avoir menti pendant dix-huit ans en prétendant travailler à l’Organisation Mondiale de la Santé.
Ce fait divers a déjà inspiré un livre et deux films. Tant mieux. Ca me libère des faits réels.
J’ai imaginé quatre personnages. Je les ai guettés, traqués, poussés dans leurs retranchements. Ils vivent comme nous dans cette société de consommation et en subissent les pressions. Leurs rêves et leurs aspirations en sont affectés. Mais ça ne détermine pas tout. Chacun résiste comme il peut, à sa façon, différemment des autres.
Il leur reste une part de mystère : des abîmes qui s’ouvrent mais ne livrent pas tous leurs secrets. J’ai surtout cherché ce qui résonnait en moi, en nous tous. Car, même si la personnalité de cet homme malade est un cas extrême, il me semble que ce qui nous interpelle en lui n’est pas son étrangeté mais au contraire ce qu’il a en commun avec nous. On a le sentiment que ça pourrait être nous. Ce fait divers est devenu un mythe moderne. Je m’en suis emparé en tant que tel pour l’éclairer à ma façon. Il y a une part de moi en chacun des personnages. Et sans doute une part d’eux en chacun d’entre vous.
Extrait
JEAN Ce n’est pas ce que tu crois.
MARC Quoi ?
JEAN Comment ?
MARC Qu’est-ce qui n’est pas ce que je crois ?
JEAN Il est très bien, ce fusil.
MARC Pourquoi tu me parles de ça ?
JEAN Il est bon, ton café ?
MARC Non. Tu ne veux pas me faire du vrai ?
JEAN Toi, c’était les pavés ou les interstices ?
MARC Comment ?
JEAN Quand tu étais petit. C’est un des premiers grands choix qu’on fait dans la vie. Est-ce qu’on doit toujours garder son pied à l’intérieur des pavés ? Ou est-ce qu’on s’approprie le droit de marcher sur les interstices ? Moi, je restais toujours sur les pavés. Encore maintenant d’ailleurs. J’avais une peur bleue des interstices. C’est bête, hein ?
MARC Très.
JEAN Toi non, bien sûr. Tu as toujours été plus courageux que moi. Mais moi, j’étais persuadé, je suis encore aujourd’hui quelque part au fond de moi persuadé, que si on marche sur un interstice on passe à travers, on est aspiré par le vide, happé par le néant, et on tombe, on tombe à jamais, une chute sans fin dans un abîme sans fond.
Pause
MARC Tu vas bien ?
JEAN Oui. Finalement je me sens bien. C’est comme une délivrance. Je suis en chute libre mais j’ai surtout un sentiment de liberté. Ca fait si longtemps que je porte ce poids et là brusquement je suis en apesanteur.
MARC Quel poids ?
JEAN Le poids du mensonge.
MARC Je ne comprends rien à ce que tu me racontes.
critiques:
Vincent Bouquet, Télérama (Sélection parmi « les 10 meilleurs spectacles à voir à Paris »):
Chronique de Christophe Barbier sur Radio J:
Mitch Hooper s’inspire de l’affaire Romand pour « Le Poids du mensonge » : prenant et réussi !
MANUFACTURE DES ABBESSES / TEXTE ET MISE EN SCÈNE DE MITCH HOOPER
Publié le 20 septembre 2023 – N° 313
Mitch Hooper réunit quatre comédiens intenses pour une plongée en apnée dans l’océan du mal. Suspense haletant entre enquête psychologique et tragédie morale. Un spectacle prenant et réussi !
En 1993, Jean-Claude Romand assassine sa femme, ses enfants et ses parents pour empêcher la révélation du mensonge ramifié et complexe sur lequel il a construit vingt ans de réussite apparente. Comme remarque Nietzsche, citant Swift : « qui raconte un mensonge s’avise rarement du lourd fardeau dont il se charge », tant il réclame « invention, dissimulation et mémoire ». Mitch Hooper s’est librement inspiré de l’affaire Romand et installe ses quatre protagonistes au moment de la bascule entre la comédie et le drame, le petit théâtre de la vie bourgeoise confortable et l’horreur du retour à la réalité. Belle idée dramaturgique : on commence par le crime, et les flashbacks retracent la crise de la veille, quand le réseau d’indices est devenu trop serré pour que l’araignée venimeuse puisse sortir indemne de la toile qu’elle a tissée autour d’elle. Sous le poids du mensonge, Jean a tué sa famille et s’apprête à se suicider quand surgit Marc, le mari du couple avec qui Jean et Carole ont passé la soirée précédente.
Loyauté me lie
Mitch Hooper ne s’intéresse pas seulement à la dérive intérieure de Jean ; il s’attache à montrer comment les autres, par faiblesse, lâcheté, renoncement et narcissisme, sont les meilleurs alliés de sa mythomanie. Pas d’acteur sans spectateur, pas de récit de soi sans pacte tacite : ceux qui écoutent s’engagent implicitement à admettre l’histoire, surtout si elle est belle. Il faut donc bien des méchants autour du méchant pour qu’il prospère. A cet égard, le personnage de Laurence, la femme de Marc, qui n’a de cesse de comparer l’échec de son mari à la réussite flamboyante de Jean, est particulièrement savoureux. En garce jalouse, elle offre un terrible miroir au ressentiment de Jean, sorte de moderne Richard III, « déterminé à être un scélérat » pour se venger de la « nature décevante » qui l’a « frustré de ses attraits ». C’est donc la question du mal qu’interroge cette pièce. Les quatre comédiens (Anne Coutureau, Anatole de Bodinat, Julien Muller et Sophie Vonlanthen) qui mènent cette enquête sont tous poignants. Haine, dépit, envie, peur, abdication : il faut des hystériques pour flatter le pervers, des âmes pusillanimes pour permettre le règne du méchant et des asservis volontaires à la cour des assassins.
Catherine Robert La Terrasse
Le poids du mensonge, l’excellent thriller psychologique de Mitch Hooper
L’affaire Romand, du nom d’un homme qui, toute sa vie, a joué la comédie et fini par tuer sa famille pour ne pas faire face à la réalité, a donné à Mitch Hooper le désir de « l’éclairer à sa manière ». En ressort cette pièce passionnante au titre signifiant : Le poids du mensonge. Dans un univers qui oscille entre celui de Pinter (dont il fut l’assistant) et de Chabrol, l’auteur et metteur en scène se révèle presque aussi machiavélique qu’Hitchcock.
Jean a tout réussi dans la vie. Par son métier de publicitaire, il connaît la terre entière, jongle avec les idées et l’argent. Il a une belle maison. Sa femme Carole, parfaite mais dépressive, préfère vivre recluse dans son jardin et ne s’intéresse pas à ce qu’il fait lorsqu’il n’est pas à la maison. Ce qui arrange bien Jean. Mais un jour, quelque chose se fissure dans la machinerie que Jean a mise en place durant des années. La supercherie de son existence devient évidente. Il va lui falloir agir et le drame va surgir.
La pièce se décline en trois parties. Chacune porte en elle assez de rebondissements pour que nous n’en disions pas plus. Qui est le plus pris dans ses mensonges ? Le mythomane où les autres ? L’un a rêvé sa vie, les autres ont fait des arrangements avec. Qu’est-ce que la normalité ? Cette pièce est également une photographie de couple, et elle est effroyablement nette. Ce qu’on retiendra, en plus de la qualité de l’écriture et de la mise en scène, c’est la qualité de l’interprétation. S’emparant de leur personnage, extrêmement bien dessiné par l’auteur, Julien Muller, Anne Coutureau, Anatole de Bodinat et Sophie Vonlanthen font vibrer de tout leur talent ces êtres complexes, tout aussi attachants qu’exaspérants. C’est admirable.
Marie-Céline Nivière, L’OEil d’Olivier
Le naturel des comédiens se marie à merveille avec le regard froid et sans concession de Mitch Hooper. “Le Poids du Mensonge” est un long et sublime plan-séquence digne de Michaël Haneke. Radical et jouissif à la fois.
Yohann Marchand, France Net Infos
La force du texte tient à sa fine description des psychés. Au centre de gravité de cet entrechoc, le mensonge et ses avatars. Nous sommes captivés autant par l’assassin que par ses victimes. La chute, que nous ne spoilerons pas, est magique. Disons que Hooper instaure le mythe en le rendant édifiant. Chaque personnage nous enseigne un peu de nous-mêmes.
David Rofé-Sarfati, Cult News
L’un de nos meilleurs dramaturges, Mitch Hooper, s’empare de l’histoire de Jean-Claude Romand et en fait une pièce à sa sauce.
Jean-Luc Jeener
Une pièce puissante teintée de regrets et de nostalgie sur les choix de vie. C’est aussi captivant que réussi.
Nicolas Arnstam, Froggy’s Delight
https://cult.news/scenes/le-poids-du-mensonge-une-piece-psychologique-captivante/
https://www.francenetinfos.com/le-poids-du-mensonge-230183/
https://www.froggydelight.com/article-27283-3-Le_poids_du_mensonge.html
http://www.baz-art.org/archives/2023/08/26/40020610.html
https://www.etat-critique.com/le-poids-du-mensonge-mitch-hooper-manufacture-des-abbesses/
https://linfotoutcourt.com/critique-le-poids-du-mensonge/
http://blogdephaco.blogspot.com/2023/08/le-poids-du-mensonge.html
https://www.levasiondessens.com/theatre-le-poids-du-mensonge-de-mitch-hooper/