anama, December 1979. Le général Torrijos accepte de recevoir dans son pays le Chah d’Iran, récemment déchu. Il confie sa sécurité au colonel Noriega. Trois dictateurs sur une petite île dans le Pacifique: un du passé, un du présent un du futur.

Extrait :

Le CHAH regarde vers la plage, soupire.

CHUCHU                                Je pense que votre cœur est resté à Téhéran.

CHAH                                       Et ma vésicule biliaire à New York. Ici ils ont jeté leur dévolu sur ma rate. Je sème mes organes à travers le monde, on pourra me suivre à la trace. Ce que vous voyez n’est plus que l’écorce d’un homme.

CHUCHU                                Mais l’écorce n’a pas perdu le goût de la vie?

CHAH                                       Cela, c’est à Dieu de le décider.

CHUCHU                                Comment savoir ce qu’Il veut?

CHAH                                       Nous sommes très proches. Je n’ai pas besoin de mosquées ou de mollahs. Je m’adresse directement à Dieu.

CHUCHU                                Et Il vous répond?

CHAH                                       Il l’a fait à plusieurs reprises. Une fois j’ai réussi en dépit de toutes les lois de la pesanteur et de l’aérodynamique à redresser un avion qui me précipitait, ailes à la verticale, sol à quelques mètres, vers une mort assurée. Le jeune pilote qui m’accompagnait a été si impressionné qu’il a voulu faire à son tour une démonstration de ses talents. Je l’ai regardé d’en bas sortir d’un looping pour voler la tête en bas. Mais il n’est pas parvenu à redresser l’appareil et il s’est écrasé devant mes yeux.

CHUCHU                                Le Général aussi préfère les jeunes pilotes. Les plus expérimentés refusent de voler par mauvais temps.

CHAH                                       Je trouve que Dieu a été particulièrement éloquent en cette occasion. Mais dernièrement nous ne nous entendons plus très bien.

CHUCHU                                Vous pensez qu’Il vous punit?

CHAH                                       Eh bien, ça… C’est un peu comme pour un homme et une femme – comme vous avec vos femmes par exemple – parfois tout brille autour de vous, vous construisez une maison magnifique, vos enfants rient, la vie est belle… et puis soudain tout vous tombe sur la tête. Dans ces moments-là on ne comprend pas tout à fait ce qui se passe.

CHUCHU                                Moi, je ne crois pas en Dieu.

CHAH                                       Non, bien sûr, vous êtes…

CHUCHU                                Mais je crois au Diable.

CHAH                                       Vraiment?

CHUCHU                                Rien ne prouve que Dieu existe. Alors que le Diable, tous les jours il y a des preuves. Quand vous entrez dans un hôtel par exemple, il y a une porte tambour. Vous entrez dans la porte tambour, vous poussez forcément dans le mauvais sens, à tous les coups vous êtes coincé. Voilà. Ça, c’est le Diable.

CHAH                                       Ah oui, c’est… évidemment, vu comme ça…

CHUCHU                                Le Diable, c’est du concret. C’est la boue et la merde. Dieu, c’est comme les vapeurs du matin. On croit voir quelque chose, mais il n’y a rien.

 



HP_1994